Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/119

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Aussi ne peut-il pas rompre la chaîne mystérieuse qui l’attache à elle.

Je voudrai toujours son honneur et son bien, je serai toujours son homme-lige, son ami et son serviteur ; je l’aimerai, que cela lui plaise ou non, car on ne peut maîtriser son cœur sans le tuer[1].

Malgré cette fidélité Bernard dut quitter pour toujours le Limousin. Il se rendit à la cour d’Éléonore d’Aquitaine, duchesse de Normandie. Éléonore était la petite-fille du premier troubadour Guillaume de Poitiers : elle avait hérité de son aïeul un caractère gai et enjoué, un grand amour pour la poésie, beaucoup de sympathie pour les poètes et aussi une légèreté de mœurs qui devint vite proverbiale. Elle fut pour toutes ces causes chantée des troubadours et des ménestrels. Divorcée d’avec le roi de France Louis VII depuis 1152, elle était fiancée à Henri, duc de Normandie, et devint reine d’Angleterre quelques années après.

Il nous reste plusieurs des chansons que Bernard de Ventadour composa pendant cette deuxième période de sa vie. Est-ce parce qu’il ne connaissait pas sa nouvelle dame depuis l’enfance comme il connaissait Agnès de Montluçon ? Ou bien son aventure l’a-t-il rendu plus discret ? Il semble que dans les chansons de cette période il se montre plus réservé et qu’il tire moins d’orgueil des sentiments d’amitié que la duchesse de Normandie lui témoigne.

Voici une des chansons qu’il a composées en son honneur.

  1. M. W., p. 20.