Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/125

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labourer un champ et y sema trente mille sols ; un troisième, qui avait amené trois cents chevaliers, fit préparer le repas de ses hommes à la chaleur de flambeaux de cire ; les autres folies de ce genre n’auraient pas été rares. Sans doute ce sont là des récits légendaires du moyen âge avec leur exagération habituelle ; mais légende et exagération ne sont peut-être que des déformations de la vérité et le chroniqueur n’a pas tout tiré de son imagination.

Nous ne savons rien de l’activité poétique de Bernard de Ventadour à la cour du compte de Toulouse. Il s’y rencontra avec de nombreux troubadours[1] il dut y connaître en particulier Peire Rogier, Peire Raimon, fils d’un bourgeois toulousain, qui après avoir vécu auprès du roi d’Aragon revint à Toulouse comme poète de cour ; peut-être y connut-il aussi Peire Vidal et Folquet de Marseille, et beaucoup d’autres. Il était alors en pleine gloire et bien supérieur à tous ses rivaux. Mais pour nous cette période de sa vie est la plus obscure, à cause du petit nombre d’allusions que contiennent ses chansons.

C’est sans doute pendant son séjour auprès de Raimond V de Toulouse qu’il composa quelques chansons en l’honneur d’Ermengarde, vicomtesse de Narbonne[2]. Cette princesse, qui administra sa vicomté pendant plus de cinquante ans (1142-1193) et qui se distingua par des qualités politiques et même militaires de premier ordre, avait réuni autour d’elle les troubadours les plus célèbres du temps.

  1. Sur les troubadours à la cour du comte de Toulouse, cf. Paul Meyer, in Histoire générale de Languedoc, tome X.
  2. Sur les troubadours à Narbonne, cf. notre article dans les Mélanges Chabaneau, p. 737-750.