Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/126

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Elle eut même son poète attitré, Peire Rogier, originaire d’Auvergne, qui, venu à Narbonne, s’éprit d’elle et resta à sa cour jusqu’à ce que « les médisants » ayant répandu des bruits malveillants sur son compte l’eurent obligé à partir.

Bernard de Ventadour, s’adressant à Ermengarde, se plaint lui aussi que les « médisants » l’aient perdu auprès de sa dame : est-ce de la duchesse de Normandie qu’il s’agit ? Cela est fort vraisemblable pour plusieurs raisons : mais ici encore, à cause de la discrétion habituelle de Bernard de Ventadour, et même à cause des habitudes générales des troubadours, qui cachaient avec soin le nom de leur dame, nous sommes réduits aux conjectures. Voici la chanson qu’il adressa à sa « dame de Narbonne » qui ne saurait être une autre personne qu’Ermengarde.

J’ai entendu la voix du rossignol sauvage, elle m’est entrée au cœur ; elle allège les soucis et les chagrins qui me viennent d’amour…

Celui-là mène une vie bien misérable qui ne guide pas vers la joie et l’amour son cœur et ses désirs ; car la nature déborde de joie, les échos en résonnent partout, prés, jardins et vergers, vallées, plaines et bois.

Moi hélas ! que l’amour oublie, j’aurais ma part de joie, mais la tristesse me trouble et je ne sais où me reposer… Ne me tenez pas pour léger si j’en dis quelque mal.

Une dame fourbe et discourtoise, racine de mauvais lignage, m’a trahi ; mais elle est trahie à son tour et cueille le rameau avec lequel elle se bat elle-même…

Je l’avais pourtant bien servie jusqu’au moment ou j’ai vu son cœur volage ; puisqu’elle ne m’accorde pas son amour, je serais bien fou de la servir ; car un service qui