Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/127

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n’est pas récompensé et une attente bretonne font du seigneur un écuyer.

Que Dieu donne une mauvaise destinée à qui porte mauvais message ; sans les médisants, j’aurais joui de son amour ; c’est folie de discuter avec sa dame, je lui pardonne si elle me pardonne, et tous ceux-là sont menteurs qui m’en ont fait dire du mal[1].

Bernard demeura à la cour du comte de Toulouse jusqu’à la mort de ce dernier (1194). Bernard était à ce moment-là un homme âgé, car ses premières poésies datent d’avant 1150. À la mort du comte il se retira dans une abbaye célèbre de son pays natal, l’abbaye de Dalon, où il mourut. Notre poète connut la gloire ; ses poésies se trouvent dans la plupart des « chansonniers », c’est-à-dire dans les anthologies qui renferment les poésies des troubadours. Il est souvent cité par les troubadours suivants qui lui empruntent de nombreux passages. Un grand poète contemporain, Carducci, lui a consacré une étude intitulée : Bernard de Ventadour, un poète de l’amour au xiie siècle[2].

C’est bien le titre qui lui convient : c’est l’amour qui l’a rendu poète et il ne conçoit pas d’autre inspiration poétique que celle qui lui vient de cette source. Une de ses chansons n’est qu’un développement de ce thème ; nous en citerons un simple extrait en terminant.

La poésie n’a guère pour moi de valeur, si elle ne vient du fond du cœur — mais elle ne peut venir de cette source que s’il y règne un parfait amour — c’est pour cette raison que mes chants sont supérieurs à ceux des

  1. M. W. I, 30.
  2. Carducci, Un poeta d’amore del secolo XII, Nuova Antologia, XXV-XXVI.