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autres ; car la joie d’amour remplit tout mon être, bouche, yeux, cœur et sentiment.

Que Dieu s’abstienne de m’enlever le désir d’aimer ; quand je ne devrais rien posséder, quand chaque jour m’apporterait de nouveaux maux, j’aurai toujours le cœur prêt à l’amour.

Par ignorance, la foule grossière blâme l’amour ; cela ne lui cause aucun dommage ; il n’y a de basses amours que les amours vulgaires, qui n’ont que le nom et l’apparence d’amour…

L’amour de deux parfaits amants consiste à plaire et à avoir mêmes désirs ; on n’obtient rien si les désirs ne sont pas semblables ; celui-là est vraiment fou qui reproche à l’amour ce qu’Amour désire et qui lui vante ce qui ne lui plaît pas[1].

Ce n’est pas étonnant, dit-il ailleurs, que je chante mieux que les autres troubadours, car je suis plus porté qu’eux vers l’amour et je suis mieux fait à ses commandements ; j’ai mis en lui mon corps et mon cœur, mon savoir et mon intelligence, ma force et mon espoir ; je suis tellement entraîné vers l’amour que rien plus au monde ne m’intéresse[2].

Nous pouvons nous arrêter sur ces déclarations ; aussi bien on les retrouve partout dans l’œuvre de notre poète.

Il est aussi un des troubadours qui ont le mieux exprimé le pouvoir ennoblissant de l’amour, qui est, suivant leur doctrine, la plus noble passion de l’homme, source de toute vertu et de tout talent. Seulement il était difficile de varier à l’infini le développement de ce thème ; on l’épuisa de bonne heure et il y eut — trop tôt pour la poésie provençale — trop de convention, trop d’artifice dans l’expression de cette théorie.

  1. M. W., I, 33.
  2. M. W., I, 36.