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et de Dauphiné et le provençal proprement dit. Aujourd’hui ces dialectes présentent des différences profondes ; livrés a eux-mêmes pendant des siècles, ils ont librement évolué. Il n’en était pas de même aux origines ; les différences étaient beaucoup moins sensibles.

De plus, il se forma de bonne heure une sorte de langue littéraire. Sans Académie, sans règles, par la force des choses, disons mieux, par la force de la poésie, la langue des premiers troubadours s’imposa à leurs successeurs. On peut reconnaître des différences dialectales — en petit nombre — chez quelques-uns d’entre eux ; mais, dans l’ensemble, la langue resta la même, du début du xiie siècle à la fin du xiiie.

Le dialecte auquel cette langue était le plus apparentée était le dialecte limousin. Il y a là une indication précieuse, qui n’a pas échappé à ceux qui se sont occupés les premiers des origines de la poésie provençale. La linguistique a servi de point de départ aux recherches d’histoire littéraire. C’est dans ce dialecte limousin qu’ont été écrites les premières poésies des troubadours, c’est lui qui s’est imposé aux poètes du xiie et du xiiie siècle[1].

Il se produisit même un phénomène peu fréquent dans l’histoire littéraire. La langue limousine-provençale devint la seule langue poétique non seulement du midi de la France, mais d’une partie de l’Espagne et de l’Italie. Des poètes nés dans le domaine de langue d’oïl, en Saintonge par exemple,

  1. Cette langue s’appela d’abord langue romane, puis prit le nom de limousine ; la dénomination de provençal date du xiiie siècle ; c’était, dans ce sens, la langue de la « Province » comprenant à peu près tout le Sud de la France.