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de Die. L’activité poétique du premier peut être placée entre 1158 et 1173.

Comme Marcabrun il est un des premiers à cultiver le style obscur, maniéré et recherché. Une de ses chansons renferme le même mot ou son dérivé à chaque vers, et il y en a quarante-cinq. Dans une autre il se contente de répéter le même mot à chaque strophe. Cette recherche des artifices de la forme n’est pas pour faire croire à la sincérité de ses sentiments et à la force de sa passion. Le contenu de ses poésies — presque toutes consacrées à l’amour — justifie cette première impression.

Sans doute quelques-unes peuvent faire illusion au premier abord. Il y attaque souvent les médisants qui le desservent auprès de sa dame ; il proteste à plusieurs reprises de son amour et de sa fidélité, comme dans le début de la chanson suivante :

Je ne chante ni pour oiseau, ni pour fleur, ni pour neige, ni pour gelée, ni pour froid, ni pour chaleur, ni pour le retour de l’herbe verte dans les prairies ; je ne chante et je n’ai jamais chanté pour nulle autre joie ; mais je chante pour la dame que j’aime, car elle est la plus belle du monde.

J’ai quitté la pire qu’on ait pu voir ou trouver ; et j’aime la plus belle et la plus honorée qui soit au monde. Je lui serai fidèle toute ma vie et ne partagerai avec aucune autre mon amour[1]

Mais ce sont là protestations déjà bien banales dans la littérature provençale. Nulle part on ne sent dans l’œuvre de Raimbaut d’Orange la sensibilité naïve de Bernard de Ventadour ou d’Arnaut de

  1. M. W. I, 77. Non chant per auzel ni per flor.