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Mareuil on éprouve plutôt l’impression d’avoir affaire à un excellent artiste en vers, amoureux des difficultés de la poésie, précieux et recherché. Il connaît d’ailleurs son talent et s’en vante sans modestie ; il défie ses rivaux et témoigne de quelque vantardise et même de quelque fanfaronnade en poésie comme en amour. « Depuis qu’Adam mangea la pomme, dit-il, le talent de plus d’un qui mène beaucoup de bruit ne vaut pas une rave au prix du mien » ; voilà des fanfaronnades de poète, et elles ne sont pas les seules. Et voici les vantardises de l’amant : « J’ai le droit de rire et je ris souvent ; je ris même en dormant ; ma dame me rit si aimablement qu’il me semble que c’est un sourire divin ; et ce sourire me rend plus heureux que ne ferait le rire de quatre cents anges. J’ai tellement de joie qu’elle suffirait à rassasier mille malheureux ; et de ma joie tous mes parents vivraient joyeusement sans manger[1].

Ce n’est pas par des exagérations de ce genre que se marque la vraie passion ; ces recherches et ces excès sont même un indice du contraire. Mais ce qui rend assez pâles les poésies amoureuses du comte d’Orange c’est leur contraste avec celles de la comtesse de Die, qui paraît avoir eu pour lui un amour sincère et profond.

C’est une figure originale dans la poésie provençale que celle de la comtesse de Die[2].

Elle n’est pas la seule poétesse du temps, comme on l’a vu dans un précédent chapitre ; mais elle est la plus célèbre. Il faut dire à la louange de la plupart

  1. M. W. I, 70 et I, 67.
  2. Cf. l’ouvrage déjà cité de O. Schultz, Die prov. Dichterinnen, et Sernin Santy, La Comtesse de Die.