Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/159

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de ces poétesses que leur poésie se distingue par une sincérité de ton qui manque souvent à la poésie des troubadours. Le « style obscur », la rime difficile ne paraissent avoir eu pour elles aucun attrait. Elles n’ont pris ou appris du métier que ce qui leur était nécessaire ; mais elles ont su rendre avec beaucoup de charme et de douceur des sentiments sincères et naturels. La plupart des troubadours écrivaient par nécessité, par métier ; il semble que les poétesses provençales n’aient chanté et n’aient écrit que sous le souffle de l’inspiration.

Parmi elles Béatrix, comtesse de Die, occupe une place éminente. Par sa naissance elle était l’égale du comte d’Orange. Comment naquit et se développa le roman d’amour dont les chansons de la comtesse de Die — au nombre de cinq — nous ont gardé l’écho ? C’est-ce qu’il est bien difficile de dire. Étant donné ce que nous connaissons du caractère de notre poète, il ne semble pas qu’il ait répondu comme il convenait à l’amour que lui témoignait Béatrix. Cependant, des cinq chansons qui nous restent d’elle deux au moins nous apprennent que son amour pour le comte d’Orange fut d’abord heureux. La chanson suivante, par exemple, doit se rapporter au début du roman. On y remarquera une certaine recherche — plus sensible dans l’original que dans la traduction — et qui consiste surtout dans la répétition du même mot (ou de son dérivé) deux fois à la rime ; mais il y règne d’un bout à l’autre un souffle de gaîté et de jeunesse que l’on ne saurait méconnaître.