Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/160

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Je me repais de joie et d’amour et de l’amour et de la joie me vient le bonheur ; mon ami est le plus gai, c’est pourquoi je suis aimable et gaie ; et puisque je suis sincère, il convient qu’il le soit avec moi…

Je suis heureuse de savoir que celui que j’aime est le plus vaillant qui soit au monde ; je prie Dieu qu’il donne grande joie à celui qui le premier m’attira vers lui ; quelque médisance qu’on lui rapporte, qu’il n’ait confiance qu’en moi ; car souvent on cueille la verge dont on se bat soi-même.

La femme qui tient à une bonne renommée doit placer son amour en un preux et vaillant chevalier ; quand elle connaît sa vaillance, qu’elle ne cache pas son amour ; quand une femme aime ainsi ouvertement, les preux et les vaillants ne parlent de son amour qu’avec sympathie…

Ami, les preux et les vaillants connaissent votre vaillance ; et je vous demande, s’il vous plaît, de me garder votre amour[1].

On a pu remarquer combien cette chanson est conforme à la théorie de l’amour courtois. L’amour est principe de vertu : l’amant et l’objet aimé doivent réaliser l’idéal de la perfection ; tout amour fondé sur ces principes et conforme à cet idéal est noble et pur ; il est une vertu et non une faiblesse, et les preux et les vaillants n’en parlent qu’avec respect et sympathie. Mais il y a dans les cours une catégorie de gens dont l’unique mission paraît être de troubler l’amour des autres en répandant médisances et calomnies ; c’est à eux qu’est adressé le fragment de chanson suivant.

L’amour parfait me donne joie et me fait chanter plus gaiement ; et je n’éprouve ni chagrin ni ennui de savoir

  1. M. W. I, 87. Ab joi et ab joven m’apais.