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Il était savant et très lettré. Il était beau et avenant de sa personne… Il fut bon poète et le premier troubadour qui vécut au delà des montagnes[1].

Il fut très honoré et fêté par les vaillants barons et les nobles dames du temps… Il fut regardé comme le meilleur troubadour jusqu’au moment où parut Giraut de Bornelh… Il était très fier de son talent et méprisait les autres troubadours… Il vécut longtemps dans le monde, puis il fit pénitence avant de mourir.

Suivant d’autres témoignages il se destina d’abord à la carrière ecclésiastique et fut pourvu d’un canonicat. Un troubadour de son temps le lui rappelle en lui disant : « Quand Pierre d’Auvergne se fit chanoine, pourquoi se promettait-il à Dieu tout entier, puisqu’il ne devait pas tenir son serment ? Car il se fit jongleur fou et perdit ainsi tout son mérite. »

Pendant son stage parmi les chanoines, qui parait avoir été assez bref, ce troubadour ne prit pas le goût de l’humilité. « Jamais avant moi, dit-il, ne furent écrits de vers parfaits. » Par cette vantardise il appartient bien à la grande famille des troubadours, qui ressemblent sur ce point à la plupart des autres poètes comme des frères. « Pierre d’Auvergne, dit-il ailleurs, a une telle voix qu’il chante dans tous les tons et ses mélodies sont douces et agréables ; il est maître de tout, pour peu qu’il mette un peu de clarté dans sa poésie, qu’on n’entend pas sans peine. » Remarquons cette réflexion ; Pierre est lui aussi un des représentants du style obscur ; mais il semble reconnaître ici qu’il y a quelque excès dans l’emploi

  1. « Au delà des montagnes », c’est-à-dire au delà des Pyrénées ; Marcabrun y avait été avant lui, cf. Zenker, p. 19.