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elle règne ; il part de bon cœur et sans crainte jusqu’à ce qu’il l’ait trouvée.

Quand l’oiseau de noble naissance vit paraître sa beauté, il se mit à chanter doucement, comme il fait d’ordinaire vers le soir. Puis il se tait et cherche ingénieusement comment il pourra lui faire entendre, sans la surprendre, des paroles qu’elle daigne ouïr.

« Celui qui vous est amant fidèle voulut que je vienne en votre pouvoir pour chanter selon votre plaisir…

« Et si je lui porte un message joyeux, vous devez en avoir aussi grande joie, car jamais ne naquit de mère un homme qui ait pour vous tant d’amour ; je partirai et volerai avec joie où que j’aille ; mais non, car je n’ai pas dit encore mon plaidoyer.

« Et voici ce que je veux plaider : qui met son espoir en amour ne devrait guère tarder, tant qu’amour a des loisirs ; car bientôt les cheveux blonds se changent en cheveux blancs, comme la fleur change de couleur sur la branche… »

Telle est la première partie du récit, la première scène de la petite comédie imaginée par le poète. En voici la seconde.

L’oiseau a bien volé tout droit vers le pays où je l’ai envoyé ; et il m’a fait tenir un message, suivant la promesse qu’il m’a faite : « Sachez, dit la dame, que votre discours me plaît ; or écoutez — pour le lui dire — ce que j’ai au cœur…

« J’ai bien sujet d’être triste, car mon ami est loin de moi… la séparation fut trop rapide, et, si j’avais su, je lui aurais témoigné plus de bonté ; c’est ce remords qui m’attriste.

« Je l’aime de si bon cœur qu’aussitôt que je pense à lui me viennent en abondance jeux et joie, rires et plaisirs ; et la joie dont je jouis secrètement aucune créature ne la connaît…