Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/169

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se soit fait une ennemie de la comtesse Barral de Baux, femme du seigneur de Marseille. On se souvient peut-être qu’il fut un peu trop entreprenant avec elle et que la comtesse, malgré son mari qui prenait très bien la chose et qui riait des folies du troubadour, exigea son départ. Peire Vidal se réfugia en Italie, à Gênes ; c’est là qu’il composa la jolie chanson suivante.

J’aspire avec mon haleine la brise que je sens venir de Provence ; tout ce qui vient de là-bas me plaît, et quand j’entends qu’on en dit du bien, j’écoute en souriant. Pour un mot j’en demande cent, tant me plaît tout ce que j’en entends dire.

Car, des bords du Rhône jusqu’à Vence, entre la mer et la Durance, je ne sais si doux séjour ni où brille de joie plus parfaite ; c’est dans cette noble contrée que j’ai laissé mon cœur joyeux, auprès de celle qui donne la gaîté aux malheureux.

Qui a souvenance d’elle ne connaît point l’ennui ; car elle est la source de la joie ; quelque éloge qu’on en fasse, quelque bien qu’on en dise, il n’y a point d’exagération ; elle est, sans conteste, la plus belle et la plus aimable qui se voie au monde.

Je lui dois la gloire que me valent mes beaux vers et mes belles actions ; car c’est d’elle que je tiens le talent et la connaissance ; c’est elle qui m’a rendu gai et qui m’a fait poète ; tout ce que je fais de bien me vient d’elle[1].

Son séjour à Gênes fut l’occasion de nombreuses chansons. Mais Barral de Baux, qui l’aimait beaucoup, le regrettait ; il fit si bien que sa femme pardonna Peire Vidal ; il revint à Marseille où il fut fort bien accueilli. Et il paya son pardon en poète, par une chanson.

  1. M. W. I, 224, Rayn., Ch., III, 318. Parn. occ., 181.