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Il ne semble pas que Peire Vidal ait passé la dernière partie de sa vie dans sa ville natale, Toulouse. On suppose qu’il vécut jusqu’aux environs de 1215 ; à cette époque les chansons joyeuses commençaient à ne plus être de mode dans le Midi de la France ; depuis plusieurs années la croisade contre les Albigeois y accumulait les ruines et les deuils. On va voir par l’étude du troubadour Folquet de Marseille la transformation qui se produisit dans le Midi.

Le troubadour Folquet de Marseille était d’origine italienne ; il était fils d’un marchand de Gênes et il paraît avoir exercé pendant quelque temps le métier paternel[1]. Puis la vocation poétique l’emporta ; il abandonna le commerce où son-père s’était enrichi et s’adonna à la poésie. Dante l’a placé au Paradis et lui prête la déclaration suivante : « Je suis né dans cette vallée qui sépare la terre de Gênes et celle de la Toscane ; presque sur la même ligne où se lève et se couche le soleil (c’est-à-dire sur le même méridien) se trouve Buggia (Bougie en Afrique) et la ville où je vécus, qui jadis réchauffa de son sang les eaux de son port »[2]

Pétrarque cite à son tour notre poète dans ses Triomphes d’Amour : « Folquet, dit-il, a enlevé son nom à Gênes pour le donner à Marseille ; et à la fin il changea pour une meilleure patrie son habit et son état. »

Le milieu où vivait Folquet était loin d’être défavorable à la poésie. Gênes a fourni — un peu plus tard il est vrai — toute une pléiade de troubadours,

  1. Sur Folquet de Marseille, cf. Hugo Pratsch, Biographie des Troubadours, Folquet von Marseille, Berlin, 1878.
  2. Dante, Par., ch. IX, v. 88 et suiv. La ville dont il s’agit dans le dernier vers est Marseille ; Dante fait allusion au siège qu’elle soutint contre Brutus.