Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/181

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seigneurs, si larges et si généreux d’ordinaire, deviennent durs et avares ; ils ne sont plus si accueillants au talent, à la poésie, point si disposés aux fêtes et amusements ; leurs passe-temps sont la guerre et le pillage : telles sont les plaintes que fait entendre, un des premiers, Giraut de Bornelh. Supposerons-nous qu’il y a quelque exagération dans ces plaintes, qu’elles lui sont inspirées par les désordres dont il fut le témoin et même la victime ? Non, il semble plutôt qu’elles soient fondées et qu’elles ne soient qu’un écho de la réalité. Les successeurs immédiats de Giraut de Bornelh les expriment à leur tour, elles se multiplient bientôt au point de devenir un thème conventionnel.

Un changement s’était produit en effet d’assez bonne heure dans la haute société méridionale. La noblesse y avait atteint un degré de culture que celle du Nord ne connaissait pas ; l’histoire des troubadours en témoigne à tout instant. Mais la vie brillante et facile n’a qu’un temps, même dans les sociétés, et bientôt la décadence se faisait sentir : cette société s’en allait gaîment à sa ruine.

Elle s’appauvrit assez vite par ses goûts de luxe et ses prodigalités. On a vu plus haut quelles folies, suivant un chroniqueur, marquèrent la réunion des seigneurs méridionaux à Beaucaire. L’or y aurait été semé — et non pas au figuré — à pleines mains. Admettons la fausseté du récit, si l’on veut, au point de vue historique ; mais on connaît par des documents de tout genre les goûts et les mœurs du