Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/184

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furent vite réparés. Les excès furent innombrables. L’historien officiel de la croisade, le moine de Vaux-Cernay, s’exprime en ces termes : « C’est avec une allégresse extrême que nos pèlerins brûlèrent encore une grande quantité d’hérétiques » ; l’historien moderne auquel nous empruntons cette citation, M. Luchaire, dit à son tour : « Chaque pas en avant de l’armée d’invasion est marqué par une boucherie[1]. » Les principaux événements de cette triste période furent le siège de Béziers et de Carcassonne (juillet 1209), l’excommunication de Raimon VI, comte de Toulouse (1211), la bataille de Muret où Raimon fut vaincu et où le roi Pierre d’Aragon, qui était venu à son secours, fut tué (1213), le concile de Latran (1215), le siège de Toulouse et la mort de Simon de Montfort (1218). Ajoutons-y l’établissement de l’Inquisition et la fondation de l’ordre des Frères-Prêcheurs par saint Dominique.

On devine sans peine ce que devenait la poésie courtoise au milieu du tumulte des armes. La plupart des protecteurs des troubadours, Raimon VI, comte de Toulouse, les comtes de Foix, de Comminges, de Béarn étaient en pleine lutte ; les seigneurs de moindre importance y étaient entraînés de gré ou de force ; les envahisseurs, suivant l’exemple de leur chef Simon de Montfort, étaient encore plus sensibles aux biens temporels qu’aux indulgences qu’ils gagnaient à la croisade. Il n’y avait plus de place dans cette société nouvelle pour la poésie, ou du moins pour la poésie courtoise. Un troubadour

  1. Luchaire, loc. sign., p. 182.