Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/186

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nécessaire ; les efforts désordonnés, le manque d’union devant le danger, l’absence d’un chef capable et énergique ont rendu ses sacrifices inutiles ; mais elle a su faire des sacrifices ; et si, au siège de Toulouse, les femmes et les enfants portaient en chantant des pierres pour réparer les brèches, cela prouve qu’on y faisait gaîment son devoir.

Raimon de Miraval n’est pas une exception. Et d’abord il semble bien que l’on confonde sous le même nom deux personnes de la même famille, le fils et le père ; et ce fils lui-même, qui n’aurait pas été un vieillard au moment où il composait ses poésies amoureuses, serait mort avant la croisade contre les Albigeois. Il resterait donc simplement qu’à la veille de la catastrophe la société méridionale, et principalement languedocienne, n’aurait rien perçu des signes avant-coureurs de l’orage et n’aurait rien fait pour le conjurer. Cette observation est plus juste et correspond mieux à la réalité[1].

Quant aux troubadours, ils ont témoigné assez souvent et avec éloquence les sentiments d’indignation ou de pitié que faisaient naître les massacres inutiles qui avaient marqué l’expédition des croisés. Si ces études ne portaient pas surtout sur la poésie lyrique, il y aurait lieu d’analyser et de commenter ici la Chanson de la Croisade, poème épique de plus de neuf mille vers (9578), écrit par deux auteurs différents ; le premier était un clerc originaire de la Navarre, le second est inconnu. On y relèverait, surtout dans la partie anonyme, la grandeur épique

  1. Sur Raimon de Miraval, cf. P. Andraud, La vie et l’œuvre du troubadour Raimon de Miraval, Paris, 1902.