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la baleine et qui avez protégé Suzanne contre les faux témoins ; vous avez nourri la multitude, seigneur souverain, de cinq pains et de deux poissons… vous avez fait la terre et d’un seul signe le soleil et le ciel ; vous avez détruit Pharaon et donné aux fils d’Israël le miel, la manne et le lait[1]

Cette énumération, que nous abrégeons, est longue et monotone ; la poésie dont elle fait partie est froide et peu intéressante. Plus poétiques sont quelques autres compositions religieuses du même auteur où la pensée n’est pas remplacée comme ici par une longue série d’allusions bibliques.

Pierre d’Auvergne y insiste avec quelque bonheur d’expression sur le thème de la mort, de l’inanité des richesses qu’il faudra abandonner sans retour. Il s’étonne que l’homme ne pense pas plus souvent à ce dernier acte de la vie ; « il faudra mourir, dit-il, et passer par le chemin où sont passés nos pères » ; « nous mourrons tous, dit-il ailleurs, les richesses ne nous sauveront pas… contre la mort ne peuvent se défendre ni comtes, ni ducs, ni rois, ni marquis… » Ce sont là des thèmes lyriques par excellence ; d’autres poètes, même parmi les troubadours, les ont développés avec plus de bonheur ; mais Pierre d’Auvergne est un des premiers à les traiter ; cette priorité d’abord et ensuite une certaine originalité dans l’expression de sentiments que la poésie des troubadours ne connaissait guère encore justifient l’attention que l’on doit donner dans l’histoire de la littérature provençale à ces poésies religieuses.

  1. Ibid., XVIII.