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Les mêmes thèmes forment le fond de certaines poésies morales et religieuses de Giraut de Bornelh. Elles n’ont pas l’allure épique des poésies religieuses de Pierre d’Auvergne ; les énumérations bibliques en sont absentes. Mais Giraut de Bornelh insiste également sur la nécessité de la mort et sur le mépris des richesses qu’il faudra abandonner sans retour. Ces thèmes appartiennent aux poètes lyriques aussi bien qu’aux sermonnaires ; Giraut de Bornelh lui-même appelle une fois une de ces compositions un « sermon », mais ce sont en général des sermons un peu spéciaux, destinés à réveiller l’ardeur des chrétiens pour les croisades. Quoique l’élément religieux y soit assez développé, on peut les considérer comme un genre à part.

En effet les chants de croisade sont plutôt, ou sont tout autant des poésies historiques que des poésies religieuses. Les thèmes qui y sont développés n’ont rien d’original ; ce qui y domine d’ordinaire, c’est la critique plus ou moins vive, suivant les tempéraments, de ceux qui, par lâcheté ou par négligence, laissent le « saint pays » aux mains des infidèles. Cette partie historique, et souvent satirique, a plus d’importance que l’autre, la partie religieuse. Le « chant de croisade » est devenu de bonne heure un genre, lui aussi un peu conventionnel et factice. Qu’il s’agisse des Sarrasins d’Espagne ou des Turcs de Syrie, c’est par les mêmes arguments que les troubadours cherchent à exciter contre eux les chefs de la chrétienté.