Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/216

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ment est le satirique Peire Cardenal auquel a été consacrée une partie du dernier chapitre. On y a vu sa haine des mauvais prêtres, mais en même temps son attachement aux dogmes de l’Église. Sans doute il est surtout un satirique et son « Credo » n’est qu’une introduction à une satire des plus violentes et des plus crues contre une catégorie de religieux. Mais ses poésies morales et religieuses sont par beaucoup de côtés de vrais « sermons » et c’est le titre que quelques manuscrits leur donnent. On n’a pas de peine à concevoir quels en sont les thèmes principaux ; ce sont : la nécessité de se préparer à la dernière heure, dont nous ne sommes pas les maîtres, la crainte de Dieu le souverain juge, le jugement dernier ; ce dernier thème en particulier, qui a toujours inspiré sermonnaires, peintres ou poètes, a été traité d’une manière fort hardie par Peire Cardenal. La traduction suivante fera juger de l’originalité de cette conception ; ce sont des accents qu’on n’avait pas encore entendus dans la langue des troubadours.

Je veux commencer un nouveau sirventés que je réciterai au jour du jugement, à celui qui me créa et me forma du néant ; s’il veut m’accuser de quelque faute et me mettre parmi les damnés, je lui dirai : Seigneur, pitié, arrêtez ; j’ai combattu (pour vous) toute ma vie les méchants, gardez-moi, s’il vous plaît, des tourments de l’enfer.

Je ferai émerveiller toute sa cour, quand on entendra mon plaidoyer ; car je dis que Dieu est injuste envers les siens, s’il pense les détruire et les mettre en enfer ; car il est juste que celui qui perd ce qu’il pourrait gagner au