Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/223

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forme même, métrique, mélodies peut-être, en tout cas idées et expressions.

La transformation ne fut pas difficile ; déjà Pierre d’Auvergne avait chanté l’amour céleste dans des termes qui prêtent à l’équivoque. Il était plus facile encore de chanter la Vierge, la dame, dona, par excellence. La lyrique courtoise, si raffinée, n’eut pas de peine à s’accommoder à cette direction nouvelle. La conception que les troubadours s’étaient faite de l’amour s’y prêtait à merveille. N’en avaient-ils pas fait un principe de vertu et de pureté ? Sans effort, sans violence, les mêmes images, les mêmes termes qui leur avaient servi à chanter l’amour terrestre servirent à la description de leur nouvel idéal. La Vierge fut la plus aimable, la plus gracieuse, la plus belle des femmes ; on se déclara son amant parfait, on se soumit à ses volontés ; on lui reconnut tous les dons et toutes les vertus, une fidélité sans bornes, une douceur ineffable pour ses soupirants ; tels sont les principaux traits par lesquels se manifesta ce nouveau culte poétique.

Les débuts de cette conception apparaissent d’abord chez des troubadours d’origine italienne. Voici comment l’un d’eux chante la Vierge.

Ah ! Vierge en qui j’ai mis mon amour, s’il vous plaît d’entendre mon ardente prière, jamais je ne dois craindre de manquer de joie parfaite, vif ou mort je la posséderai… Ô noble dame, dont la valeur dépasse celle de toutes les autres femmes, on peut vous louer sans crainte d’être contredit ; en vous louant personne ne peut mentir, car