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vous êtes la fleur de la vraie connaissance, fleur de beauté, fleur de vraie pitié… Je sais, dame, que qui se souvient de vous et qui se donne de bon cœur à votre service se sert lui-même, car il est sûr de jouir de sa récompense et de ne pas voir ses services méprisés[1]

Voilà un exemple de cette transformation ; en voici un autre pris chez un troubadour de Béziers ; il est moins caractéristique en apparence ; mais l’auteur a emprunté le mètre et les rimes d’une des plus jolies chansons que le troubadour Rigaut de Barbezieux ait consacrées à l’amour profane.

Je voudrais sur la meilleure de toutes les femmes faire une chanson agréable ; car je ne veux pas chanter d’autre dame que la Vierge de douceur. Je ne puis mieux employer mes bonnes paroles qu’à chanter la dame de miséricorde où Dieu mit et plaça tous les biens ; aussi je la prie d’agréer mon chant[2].

Cette pièce appartient à la deuxième moitié du xiiie siècle. Plus la littérature provençale approche de sa fin, plus les pièces de ce genre se multiplient. En voici des exemples empruntés aux derniers troubadours, en particulier à Guiraut Riquier. Une chanson composée en 1288 commence ainsi :

Ni les mois chauds ou froids, ni la saison tempérée où paraissent les fleurs, ne me font chanter d’amour parfait pour la dame dont je suis le parfait amant. Mais je chante en toute saison, quand il me plaît, car elle dont je suis énamouré est la meilleure et la plus gracieuse qui fût jamais, et j’espère qu’elle me rendra joyeux, quoique je ne lui sois point encore tout à fait soumis.

  1. Lanfranc Cigala, de Gênes ; Mahn, Gedichte, no 305.
  2. Bernard d’Auriac (2e moitié du xiiie s.).