Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/226

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craindre que la nouvelle « dame » chantée par les troubadours soit accessible à leurs médisances ; elle est par excellence un principe de bien, elle développe la « connaissance », l’entendement du poète et lui inspire la pureté du cœur.

La même transformation de la conception de l’amour s’observe dans la composition suivante du même poète.

Je pensais souvent chanter l’amour au temps passé, mais je ne le connaissais pas, car je nommais amour ma folie ; maintenant amour me fait aimer une telle dame que je ne puis la craindre ni l’honorer assez, ni l’aimer comme elle le mérite…

Par son amour j’espère croître en mérite, en honneur, en richesse et en grande joie ; c’est vers elle seule que mes pensées et mes désirs devraient se tourner ; puisque par elle je puis obtenir tous les biens que je désire, je dois mettre tout mon soin à la servir ; car je suis aimé d’elle, pourvu que je me conduise envers elle suivant le code du parfait amant…

Elle a une beauté si grande que rien ne peut la diminuer ; rien n’y manque, elle resplendit nuit et jour… Ma Dame je puis la nommer à bon droit Belle Joie (c’est le nom par lequel il désignait l’objet de son amour terrestre)…

Je ne suis pas jaloux de celui qui recherche l’amour de celle que j’aime ; j’y trouve au contraire un grand plaisir ; celui qui ne daigne pas l’aimer me déplaît fort : car je crois fermement que de son amour viennent tous les biens. Je prie ma dame de protéger ses amoureux, de sorte que chacun voie ses désirs accomplis.

On pourrait emprunter d’autres exemples à l’œuvre du dernier troubadour ; prenons-en quelques-uns à