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celle d’un de ses contemporains, un poeta minor assez gracieux, Folquet de Lunel[1]. Lui aussi a chanté l’amour profane et de façon assez heureuse, comme le montre le début de la chanson suivante. « Il m’en a pris comme au marinier, quand il s’est lancé dans la haute mer, avec l’espoir de trouver le temps qu’il cherche et désire le plus ; et quand il est sur la mer profonde, le mauvais temps renverse sa barque ; il ne peut éviter le péril, il ne peut rester ni fuir. » C’est ainsi que par sa folie il s’est mis à aimer « sans l’espérance d’obtenir une joie rare de la gaie et gracieuse dame qui est belle et blonde, pure et exempte de toutes mauvaises qualités, et qu’on ne peut s’empêcher, quand on la voit, d’aimer follement ». Voilà comment notre troubadour chante l’amour profane. Et voici maintenant comment il chante l’amour religieux.

Pour maintenir l’amour et le plaisir, et la joie parfaite, pour plaire, s’il se peut, à celle qui daigne m’accorder ses faveurs, je fais une chansonnette légère : car je suis dans un tel état que ni nuit ni jour ne me quitte le parfait amour que je porte à celle qui m’affermit en amour.

Une autre de ses chansons est un modèle du genre.

Les actes et les paroles de ma dame sont si parfaits que celui-là a bien raison de se réjouir que l’amour a poussé à l’aimer.

Ma dame ne veut ni suppliants gracieux ni amoureux, mais elle veut des amants parfaits, ni faux ni volages, car elle n’est ni volage ni fausse ; jamais elle ne se mire ni ne

  1. Folquet de Lunel, éd. Eichelkraut, Berlin, 1872. L’édition est d’ailleurs médiocre.

    À propos de la place qu’occupe la Vierge dans l’art religieux du xiiie siècle, voir É. Mâle, L’art religieux du xiiie siècle en France, Paris, 1898, p. 308. « C’est un fait curieux qu’au xiiie siècle la légende ou l’histoire de la Vierge soient sculptées aux portails de toutes nos cathédrales… Le xiiie siècle est par excellence le siècle de la Vierge. Saint Dominique répand le Rosaire en son honneur. On récite tous les jours son office… Les ordres nouveaux, les Franciscains, les Dominicains, vrais chevaliers de la Vierge, répandent son culte dans le peuple. »