Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/236

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nale de chanter Béatrice. Voici ce qu’il imagina. Il supposa que toutes les dames jeunes et belles du Nord de l’Italie, depuis la Savoie jusqu’à Venise, s’étaient liguées pour faire la guerre ; à qui ? à Béatrice. Et cette guerre il la raconte comme une petite Iliade (le nom de Troie s’y trouve) dans une longue chanson, d’un rythme tout à fait original, et pleine de mouvement et de vie, quand une fois on a admis la réalité de cette petite guerre féminine.

Donc les dames italiennes bâtissent une grande cité, qu’elles appellent Troie, et l’entourent de remparts solides et de fossés. Quand le rassemblement des combattantes s’est fait « la cité se vante de mettre une armée en ligne, on sonne la cloche, le conseil (composé des dames les moins jeunes) se rassemble, et dit orgueilleusement de rompre les rangs ; la belle Béatrice est souveraine de tous les biens de la commune (on va voir quels sont ces biens), il n’y a plus que honte et confusion. Les trompettes sonnent et le podestat s’écrie : « Réclamons à Béatrice beauté et courtoisie, valeur et jeunesse. » Et la troupe répond : « Oui ! »

L’armée s’attaque au château de Béatrice ; assauts, avec feu grégeois et machines de guerre. Mais Brunehilde, ou plutôt Béatrice, monte sur le rempart ; elle ne veut ni haubert ni pourpoint ; tout combattant qui s’attaque à elle est sûr de mourir. Le succès du combat n’est pas douteux, les assaillants sont mis en fuite, et le conseil municipal, composé des dames les moins jeunes, s’enfuit découragé. Valeur et Jeu-