Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/249

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prend joyeusement son parti d’être encore dans un cercle inférieur : « Je fus appelée Cunizza, déclare-t-elle, et je brille à cette place parce que la lumière qui vient de cet astre (Vénus) me vainquit ; mais je me pardonne joyeusement et je ne me plains pas de mon sort. » Elle ajoute ; « cela peut vous paraître un peu fort à vous autres, vulgaire » ; élevons-nous donc au-dessus du vulgaire, pour que cela ne nous paraisse pas trop fort.

Ce n’est pas la première fois que nous avons, dans ces études, l’occasion de citer Dante. On a rappelé à plusieurs reprises ses jugements sur certains troubadours, principalement sur ceux de la première période : Pierre d’Auvergne, Bernard de Ventadour, Bertran de Born, Giraut de Bornelh, Arnaut de Mareuil et surtout Arnaut Daniel. Il connaissait bien leur langue et c’est en provençal qu’il fait répondre le même Arnaut Daniel à la fin du chant XXVI du Purgatoire. Il a enfin montré dans son traité De vulgari eloquentia la connaissance profonde qu’il avait de leur technique poétique si délicate et si complexe ; il est un des premiers à l’analyser.

Mais le sujet de la Divine Comédie ne se prêtait pas à l’imitation de la poésie des troubadours. C’est dans la Vita Nuova[1] et dans ses chansons que cette influence est sensible. Dante, en effet, avant d’écrire son grand poème, composa un certain nombre de poésies lyriques, chansons ou sonnets ; ces derniers sont enchâssés dans la Vita Nuova. Comme poète lyrique Dante se rattache à l’école de

  1. La Vita Nuova a été composée en 1292 suivant Gaspary, Storia lett. ital., I, 450.