Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/250

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Bologne, qui, dans la deuxième partie du xiiie siècle, brilla d’un si vif éclat. Elle a hérité des traditions de la poésie sicilienne, où se trouvent tant de traces de l’influence provençale ; seulement les poètes de l’école de Bologne l’emportent de beaucoup sur les Siciliens par plus d’imagination, plus de grâce et aussi plus de talent. Même quand ils imitent les troubadours, modèles communs de l’école sicilienne et de la leur, ils gardent leur originalité. Voici par exemple la traduction d’une des chansons les plus célèbres de Guido Guinicelli, le père de cette école poétique ; on y retrouve des traits bien connus dans la poésie provençale ; mais on y remarque aussi une imagination brillante et ingénieuse, qui rappelle Bernard de Ventadour.

La dame qui m’a rendu amoureux règne dans le ciel de l’amour, semblable à la belle étoile qui mesure le temps. De même que celle-ci illumine chaque jour le monde de sa face, ainsi ma dame resplendit aux nobles cœurs et aux âmes généreuses.

Ô douce dame, lumière dont je me suis éloigné, éperdu et dolent, je vous porte dans ma pensée plus belle que vous ne serez dans mes vers, car je ne suis point doué d’assez d’intelligence pour parler d’un objet si haut, ni pour me lamenter d’un si grand mal…

Tout ce que je vis, tout ce que j’entendis d’elle me revient à l’esprit ; et tout est douleur dans mon souvenir. Si je me rappelle l’amitié qu’elle me montra quelquefois, je songe que je l’ai quittée. Si je me la rappelle sévère et courroucée, je crains qu’elle ne soit telle encore…

Les larmes où je me fonds coulent plus abondantes toutes les fois que mes yeux rencontrent une belle femme…