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ont écrit en provençal. Mais la poésie lyrique n’a pas pu prendre racine ni en Aragon, ni dans la plus grande partie de la Castille, ni dans le royaume de Léon ni en Navarre ; et cependant les troubadours y furent accueillis avec une très grande sympathie. Ces pays ont connu plutôt la poésie héroïque des « romances » ; la race ne paraît pas y avoir eu la « tête » lyrique ou du moins, en ce genre, la poésie de langue étrangère paraissait suffisante. Il n’en fut pas de même en Portugal et en Galice, où la poésie lyrique est au premier plan comme dans le Midi de la France ou en Italie.

L’ancienne poésie lyrique portugaise ne nous est connue que par trois manuscrits précieux[1]. Les premiers monuments de cette poésie ne paraissent pas remonter au delà de la fin du xiie siècle. C’est l’époque la plus florissante de la poésie provençale. Le comte de Poitiers, Cercamon, Jaufre Rudel et autres sont bien plus anciens que ne serait l’auteur de ces premières poésies portugaises.

Mais cette date elle-même est une date extrême, et en réalité la littérature portugaise ou galicienne (car elle porte les deux noms) fleurit surtout au xiiie et au xive siècle[2]. Son époque la plus brillante est celle qui comprend les règnes d’Alphonse X de Castille (1252-1284) et de Denis, roi du Portugal (1280-1325). C’est d’après ces rois poètes qu’on la distingue en plusieurs grandes périodes. L’ensemble de ces périodes forme « l’époque provençale[3] ».

La poésie galicienne fut si brillante, surtout dans

  1. Cf. l’excellente histoire de la littérature portugaise de Mme C. Michaelis de Vasconcellos et de M. Th. Braga dans le Grundriss de Grœber, II, 2, p. 129 et suiv. Trois manuscrits comprennent les poésies lyriques du xiiie et du xive siècle : le Vaticanus a été publié plusieurs fois, dernièrement par Mme C. Michaelis de Vasconcellos ; un autre manuscrit, dit de Colocci-Brancuti, du nom de deux de ses possesseurs, l’humaniste Colocci (mort en 1548) et le comte Brancuti di Cagli, est également en Italie. En Portugal se trouve le manuscrit dit de Ajuda, du nom du château royal, près de Lisbonne, où il est conservé. (Grœber, Grundriss, II, 2, p. 200.) Trois autres manuscrits contiennent des poésies religieuses (d’Alphonse X).

    Sur toute cette période de la littérature portugaise voir surtout : R. Lang, Das Liederbuch des Königs Denis von Portugal, Halle, 1894. Le texte est précédé d’une excellente étude d’histoire littéraire.

  2. On peut, avec Mme C. Michaelis de Vasconcellos, diviser cette littérature d’une manière plus précise d’après les règnes d’Alphonse X et du roi Denys : période préalphonsine (1200-1248) ; période du roi Alphonse (1248-1280) ; période du roi Denys (1280-1325) ; période postdionysienne (1325-1350). Grundriss, II, 2, p. 179. Cf. encore de Mme de Vasconcellos, Randglossen zur altportugiesischen Liederbuch (In Zeitschrift für rom. Philologie).
  3. « Époque provençale ». Grundriss, II, 2, p. 143.