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la plupart des lieux communs de la lyrique provençale. C’est certainement dans l’emploi des termes empruntés au service féodal que cette imitation est le plus sensible. La « dame » est la « maîtresse » (senhor), comme dans la poésie du Midi de la France ; le poète se considère comme l’homme-lige, comme le vassal de cette suzeraine. « Je vous vis un jour pour mon malheur, dame, dit le roi Denis, car depuis que je suis devenu votre serviteur, vous me traitez toujours plus mal. » « Je vous ai toujours servie, dame, et vous fus loyal, je le serai tant que je vivrai. » Voilà des formules du « vasselage amoureux » bien connues de la poésie provençale. Dans l’une comme dans l’autre poésie l’amant se fait humble, comme il convient à un serviteur ; il fait appel à la pitié de sa dame.

On se souvient des passages où les troubadours déclaraient appartenir corps et âme à la personne aimée, qui pouvait en disposer à son gré, presque comme d’une chose. Voici sous quelle forme la même idée se présente dans une poésie du roi Denis :

Traitez-moi bien ou mal, dame, tout cela est en votre pouvoir ; par ma bonne foi je souffrirai le mal ; car, pour le bien, je sais parfaitement qu’il ne m’en viendra aucun[1].

Dans le joli petit poème suivant le refrain rappelle la même idée.

Jamais je n’osai vous dire, dame, le grand bien que je désire ; me voici en votre prison, faites de moi ce qui vous plaira.

Jamais je ne vous ai rien dit des souffrances qui me

  1. Lang, op. laud., no 63 ; ibid., no 3.