Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/279

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ques strophes de Walter von der Vogelweide, le poète le plus original de cette période ; on verra comment il a traité le thème du printemps, par lequel s’ouvrent la plupart des chansons des troubadours.

Quand les fleurs sortent de l’herbe, comme si elles riaient vers le soleil, au matin d’un jour de mai, quand les petits oiseaux chantent si joliment leurs plus belles chansons, quelle joie peut se comparer à la joie que révèlent leurs chants ?… Quand, dans sa beauté, une belle et noble jeune fille, bien habillée et la tête parée, se rend au milieu d’une société joyeuse, accompagnée de fières et nobles dames, semblable en majesté au soleil parmi les étoiles, quand même mai donnerait tous ses ornements, pourrait-il apporter autant de grâce que ce corps gracieux ? Nous négligeons les fleurs, nos regards vont à cette noble femme.

Voulez-vous savoir la vérité ? Allons aux fêtes de mai ; mai est arrivé avec toute sa puissance. Regardez-le et regardez les nobles femmes qui sont là, et demandez-vous si je n’ai pas choisi la meilleure part.

Cette brève citation montre que si, dans la poésie lyrique, Walter doit quelque chose à l’imitation des poètes provençaux ou français[1], son talent poétique l’a transformé ; la plupart de ses chansons ont une vie, une fraîcheur que la poésie lyrique des troubadours ne connaissait plus et que la poésie lyrique de la France du Nord — au xiiie siècle — a peu connues.

L’histoire « externe » de la poésie des troubadours que nous venons d’esquisser nous fait connaître l’influence profonde que cette poésie exerça sur les littératures des pays voisins ; la poésie de langue d’oïl ne pouvait échapper à cette influence.

  1. D’après Scherer, op. laud., p. 212, Walter ne devrait rien à l’imitation de modèles français ou provençaux.