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Le Nord de la France avait eu de très bonne heure une magnifique floraison d’épopées, et c’est cette partie de notre nation qui a fourni la matière épique à la plupart des littératures voisines. Elle possédait aussi une poésie lyrique autochtone, représentée par des « chansons de printemps », des « chansons de danses » et des « chansons satiriques ». À cette poésie se rattachent aussi les « chansons de toile », les romances et pastourelles. Il y a de la grâce et de la fraîcheur dans cette poésie lyrique primitive, et peut-être les fruits auraient-ils « passé la promesse des fleurs » si les poètes lyriques ne l’avaient pas abandonnée d’assez bonne heure pour une poésie plus savante, plus raffinée et plus courtoise, qui est celle des troubadours[1].

Les poètes de langue d’oïl connurent cette poésie par différentes voies. Plusieurs troubadours ont séjourné dans le Nord de la France, surtout en Normandie, à la cour des rois d’Angleterre, qui avaient, par leurs possessions dans le Sud-Ouest, des sujets méridionaux. Un ou deux troubadours ont été à la cour de Marie, comtesse de Champagne, et lui ont adressé leurs vers. Éléonore de Poitiers, petite-fille du premier troubadour, devint reine d’Angleterre, après avoir été pendant quinze ans femme de Louis VII, roi de France. Quelques-uns des troubadours les plus illustres ont vécu auprès d’elle, comme Bernard de Ventadour. Enfin les croisades ont mis en relations hommes du Nord et hommes du Midi. Toutes ces circonstances, et bien d’autres encore,

  1. Voir pour tout ce qui suit : Gaston Paris, Esquisse historique de la littérature française au Moyen âge, Paris, 1907, p. 89, 156 et suiv. ; Histoire de la langue et de la littérature françaises, publiée sous la direction de Petit de Julleville ; A. Jeanroy, De nostratibus medii aeui poetis qui primum Aquitaniæ carmina imitati sint, Paris, 1889. Nos citations sont faites d’après la Chrestomathie de l’ancien français de Bartsch, 9e édition, 1908.