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Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/288

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nombreux ordres religieux, qui accompagna l’invasion des pays du Midi, ne contribua pas peu à cette décadence. Si aucun troubadour ne périt sur les bûchers ou dans les prisons, plus d’un jugea prudent de s’exiler. Quoique les documents fassent à peu près défaut, on peut croire que les chefs de cette juridiction exceptionnelle que fut l’Inquisition ne nourrissaient que des sentiments peu sympathiques pour la poésie en général et en particulier pour la poésie légère, insouciante et largement païenne des troubadours.

Ces causes auraient peut-être suffi à amener la décadence de la poésie provençale, si elle n’avait déjà porté en elle-même comme des germes morbides dont les circonstances extérieures hâtèrent l’éclosion. Cette poésie essentiellement lyrique n’avait pas su se renouveler ; il y avait en elle — presque depuis les origines — quelque chose de factice, de conventionnel ; elle aurait dû se transformer pour vivre ; elle n’y parvint pas.

Ces causes réunies hâtèrent la décadence ; elle se prolongea assez longtemps. La poésie provençale disparut lentement, avec grâce et langueur ; et elle était encore d’assez belle allure lorsque, vers la fin du xiiie siècle s’éteignit la voix de celui qu’on a appelé le « dernier troubadour », Guiraut Riquier. Par sa naissance il est contemporain d’Uc de Saint-Cyr, d’Aimeric de Péguillan, des troubadours italiens Lanfranc Cigala et Sordel, chez qui se reflète encore l’éclat de la poésie classique ; ses contemporains sont Bertran Carbonel de Marseille, Folquet de