Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/294

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talent délicat leur permettent de fréquenter les grands ; ils mettront la joie dans leur société, en jouant des instruments, en récitant contes et nouvelles.

Le nom de troubadour sera réservé à ceux qui « trouvent danses, chansons et ballades gracieusement composées ».

Mais parmi eux quelques-uns sont hors de pair ; ce sont ceux qui écrivent les « vers » parfaits, les belles poésies didactiques : ceux-là ont la « maîtrise du souverain trouver », de la poésie parfaite ; ils porteront un nom en rapport avec leur talent : don doctor de trobar, seigneur docteur en poésie.

Ne sourions pas trop de cette naïveté de poète, croyant à l’efficacité de la réglementation en matière de talent poétique et même de génie ; nous sommes en plein moyen âge, époque où tout est réglé par des lois et coutumes, écrites ou non. Sans doute il y a quelque arrière-pensée utilitaire dans les distinctions que Riquier veut faire établir, les troubadours de première classe, munis du diplôme de « docteur en poésie », devant recevoir plus de faveurs et plus d’honneurs. Mais d’abord ce sont là des idées qui ne sont pas particulières au seul moyen âge ; le mandarinat — qu’on nous permette cet anachronisme — est sans doute de tous les temps et de tous les pays.

Et puis surtout si le désir de cette distinction de classes n’est pas tout à fait désintéressé, il s’y mêle un souci très élevé de la noblesse de la poésie. Riquier insiste à plusieurs reprises sur le mal que