Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/302

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tourné vers les choses religieuses et elle souhaite au troubadour de mener une meilleure vie. Avec la première pastourelle nous étions en plein roman ; les deux dernières ressemblent à deux sermons.

C’est que pendant les vingt années que ce roman est censé avoir duré, les idées du poète se sont aussi modifiées. L’évolution qu’a suivie sa conception de l’amour va nous en donner une nouvelle preuve.

La plupart des chansons du dernier troubadour sont adressées à une dame qu’il désigne sous le nom de Beau Déport (Belle Joie). Il est probable qu’il s’agit de la vicomtesse de Narbonne qui fut chantée par d’autres troubadours. Mais cela importe peu en somme et voici pourquoi : c’est que, plus que chez tout autre, l’amour paraît avoir été chez notre troubadour un jeu de l’esprit plutôt qu’un sentiment venu du cœur. Sans doute quelquefois on croit sentir vibrer la sincérité sous les formules conventionnelles ; mais c’est sans doute que le cœur chez lui aussi fut dupe de l’esprit. L’objet de son amour aurait pu être irréel, comme on a prétendu (et l’erreur était possible) que c’était le cas pour Dante et pour Pétrarque. On a même rapproché Guiraut Riquier de ces deux poètes, et s’il était démontré que les œuvres des derniers troubadours ont été connues en Italie, on n’aurait pas manqué de dire que Dante, contemporain en somme de Riquier, avait pu l’imiter. Le dolce stil nuovo aurait pu naître de l’œuvre des derniers troubadours. Seulement l’évolution qui se produisait dans la lyrique italienne