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xiiie siècle) était la description du palais qu’habite l’amour ; ou plutôt le « tiers inférieur d’amour ».

Il y a trois espèces d’amours : l’amour céleste, l’amour naturel (amour des parents) et l’amour charnel : c’est celui-là qui est le « tiers inférieur ». Il a grand pouvoir, personne ne lui résiste. « Cet amour est déréglé, dit Riquier, et ne peut juger droitement ; il n’écoute que la volonté (nous dirions la passion) et non la raison. Les amants trouvent ses débuts agréables, mais ensuite viennent « tourments, soucis et chagrins ».

Entre ces trois sortes d’amours le poète moraliste a vite fait son choix. Il méprise le « tiers inférieur d’amour » ; il supporte l’amour naturel (celui des parents et des enfants) ; mais il met bien au-dessus des deux l’amour divin ; il souhaite de voir le palais élevé où il jouira « de la paix sans fin, de l’amour sans restriction, des biens parfaits sans dommage, du plaisir sans tristesse et de la joie sans désir ».

Ce commentaire et l’accueil sympathique qu’il reçut dans la dernière société où la poésie des troubadours fut honorée nous a gardé l’écho des préoccupations religieuses du temps. La théorie de l’amour péché inventée par l’Église a pénétré dans la poésie provençale : elle n’en sortira pas de sitôt. Nous comprenons mieux après cela quelques mots graves que l’on rencontre chez Riquier et chez un troubadour contemporain : la poésie est qualifiée de « péché » par les autorités religieuses du temps. Aussi se transforme-t-elle ; c’est l’époque où fleu-