Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/306

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rissent les poésies à la Vierge dont quelques-unes sont remarquables de grâce. Bientôt la poésie religieuse sera seule permise.

Tous ces faits sont des indices de la transformation profonde qui s’est produite dans les mœurs. À un siècle de paganisme qui est l’époque de la période classique succède une période d’agitation religieuse. La croisade contre les Albigeois marque le triomphe de l’orthodoxie. Les congrégations, les ordres religieux se multiplient, font une propagande incessante ; petit à petit l’esprit public se transforme ; la poésie profane même sous sa forme la plus épurée devient un « péché », la poésie religieuse est la seule qui soit admise ou comprise. Tel est le terme de l’évolution auquel est arrivée à la fin du xiiie siècle, chez Riquier et ses contemporains, la poésie des troubadours. Sous cette forme elle n’est presque plus reconnaissable ; et cependant, dans les chansons à la Vierge en particulier, il a suffi de peu de chose pour la transformer.

Ce furent ces chansons à la Vierge qui devinrent bientôt une sorte de poésie officielle. En effet Guiraut Riquier mourut dans les dernières années du xiiie siècle. Un quart de siècle plus tard (1323) sept bourgeois de Toulouse, avec autant de zèle que de naïveté, cherchèrent à rallumer le flambeau éteint. Ils fondèrent une Académie, instituèrent des concours (qui vivent encore aujourd’hui) et établirent un code poétique ; en souvenir de l’ancien temps il fut appelé les « Lois d’amour ». Mais les anciens