Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/95

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auxquelles le soumet le code amoureux, de là aussi lui viennent les vertus qui le rendent digne du « service d’amour » auquel l’admet, par faveur et pitié, la dame aimée. La « mesure » est la vertu suprême qui doit guider sa vie. Là aussi se reconnaît l’influence des idées « chevaleresques ». Dans la société du temps la mesure est une vertu éminente : qu’on se rappelle la manière dont l’auteur de la Chanson de Roland oppose au caractère fier mais irréfléchi de Roland le caractère sage d’Olivier.

Mais il y a dans cette conception, originale sans doute, quelque chose de factice et d’artificiel, peu conforme à la réalité. Cette théorie n’est qu’une théorie poétique, qui fut développée à outrance, ressassée pendant les deux siècles que dura l’ancienne poésie provençale. Quand on lit les plus jolies chansons de Bernard de Ventadour, d’Arnaut Daniel ou de Giraut de Bornelh, on n’a pas de peine à conclure avec le premier historien de la littérature provençale, Diez, que l’amour tel que l’ont conçu les troubadours représente une fantaisie de l’esprit plutôt qu’une passion du cœur. « L’amour fut conçu comme un art et eut ses règles, comme la poésie. » On en arriva à une étrange confusion de termes : l’amour étant considéré comme le thème principal de la poésie lyrique, le code où furent résumés au xive siècle les principes de la grammaire et de la métrique provençales fut appelé les Leys d’Amors, les lois d’amour, c’est-à-dire de la poésie.

Nous pourrions continuer à exposer didactique-