Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/97

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

capable de tout supporter sans plainte. Écoutons notre troubadour parler avec mépris de ceux qui ignorent ce précepte essentiel de la doctrine.

Celui-là est peu savant en amour qui ne sait pas souffrir et attendre ; car en peu de temps amour répare tous les maux qu’il a fait souffrir ; c’est pourquoi j’aime mieux mourir après avoir obtenu ses faveurs que vivre le cœur joyeux, mais sans amour…

Pour Dieu, amour, avant de me rendre joyeux, vous m’aurez accordé une réparation pour la grande peine et la longue attente qui avanceront l’heure de ma mort. Ce qui vous plaît, il me convient de le supporter, et je m’efforce de souffrir sans me plaindre, car je veux voir si on gagne à attendre.

C’est le même thème que Rigaut développe dans la plupart de ses chansons. Il ne faut pas l’accuser de manquer d’invention ; le cercle d’idées où se meut son imagination ne saurait trop s’élargir ; Rigaut est victime, comme la plupart des troubadours, de son orthodoxie amoureuse. Voici la traduction d’une autre de ses chansons où l’on retrouvera la même doctrine.

Tout le monde demande ce qu’est devenu Amour ; à tous je dirai la vérité. Amour est semblable au soleil d’été, qui, après avoir montré partout ses splendeurs, va, le soir venu, se reposer ; ainsi Amour, ayant erré en tous lieux sans rien trouver qui soit à son gré, retourne à son point de départ… Comme un faucon qui fond sur sa proie, après l’avoir dépassée, ainsi Amour descendait (jadis) dans le cœur de ceux qui aimaient loyalement.

Amour fait comme le bon autour qui ne se débat ni ne s’agite de désir, mais qui attend qu’on l’ait lancé ; puis il