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SA VIE — SES ŒUVRES

la science la plus élevée, en un mot, le goût du Vrai dans l’expression de la pensée.

Tel est le tempérament, et tels sont les goûts avec lesquels il convient d’aborder l’étude des œuvres de Louis Bouilhet. Mais, vraiment, n’est-ce pas tyrannique, de la part de Gustave Flaubert, d’exiger semblable déclaration chez un écrivain sincère et de placer sa modestie dans cette alternative de s’attribuer le tempérament et les goûts qui viennent d’être énumérés ou de confesser qu’il lui manque tout au moins une partie de ces dons ? La critique digne de ce nom n’exige-t-elle pas ces qualités ? La critique, si elle possède des droits, n’a-t-elle pas aussi des devoirs ? Et ces devoirs ne sont-ils pas certains, définis, et maintenant hors de discussion ? Or, le premier devoir ici, n’est-ce pas d’être digne de juger celui que l’on étudie ? Il n’y a pas critique et critique ; ou plutôt, il y en a deux : la bonne et la mauvaise. Et pour faire de la bonne critique, le tempérament et les goûts que nous cherchions à définir tout-à-l’heure sont en partie nécessaires.

Sans nous flatter de réunir tous ces dons heureux, nous nous efforcerons d’être clairvoyants, de décrire sans prévention et d’apprécier sans idées préconçues. Pratiquant la religion de l’Art, au lieu d’un dillettantisme égoïste qui sacrifie tout à l’agréable, nous admirerons alors tout ce qui est ferme, tout ce qui est sobre et sain, tout ce qui est fort, sans dédaigner toutefois les agréments de la forme.

Le critique doit être autre chose qu’un analyste de l’esprit ou des sentiments d’un écrivain, qu’un spectateur de sa poétique comédie ; il doit être pour lui « le juge et censeur des idées », comme l’a dit Balzac. Cette sorte de magistrature intellectuelle, intègre dans sa bienveillance, sévère dans sa simplicité, ne s’exerce jamais sans profit. C’est chose intéressante et utile que prendre