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Page:Anicet, Feval - Le Bossu, 1862.djvu/17

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tre, et je me sauvai sans souper. Sur la porte, je me heurtai à mon cordonnier qui m’apportait des bottes à la Nevers, la dernière mode ! Je rossai mon bottier et lui jetai dix louis au visage ! Le drôle me dit : « Ah ! M. de Nevers, me battit une fois, mais il me donna cent pistoles. »

COCARDASSE.

C’était trop !

LAGARDÈRE.

Je sautai sur mon cheval, et j’allai attendre Nevers à la sortie du Louvre. « M. le duc, lui dis-je, j’ai grande confiance en votre courtoisie, je viens vous demander de m’enseigner votre botte secrète au clair de la lune ! Il me regarda et me dit : Votre nom ? — Lagardère ! — Ah ! ah ! vous êtes Lagardère… on me parle souvent de vous, et cela m’ennuie… Alors, si vous ne me trouvez pas trop petit gentilhomme !… » Il sauta de son cheval… ah ! je dois dire qu’il fut charmant ! au lieu de me répondre, il me planta sa rapière entre les deux sourcils, si roide et si net que je serais encore là-bas sans un saut de deux toises que je fis en arrière… « Encore une petite leçon, monsieur le duc. À votre service, chevalier. Je vous dis qu’il fut charmant ! Nous retombons en garde, malpeste ! cette fois il me fit une piqûre au front, j’étais touché, moi, Lagardère. (Tous les spadassins se regardent, Lagardère se lève et passe.)

COCARDASSE.

Caramba, c’est effrayant !

LAGARDÈRE.

Je n’étais pas arrivé à la parade. Cet homme est vif comme la poudre, mais j’avais vu la feinte mordieu ! Je l’ai étudiée dans le silence du cabinet, et maintenant je la possède aussi bien que lui.

COCARDASSE.

Cela pourra vous servir un jour.

LAGARDÈRE.

Cela me servira tout de suite.

COCARDASSE.

Comment ?

LAGARDÈRE.

Nevers m’avait promis ma revanche. Je lui ai écrit à son château de la Clarabide, et voici sa réponse : Il accepte le rendez-vous, l’heure et le lieu !

COCARDASSE.

Quel jour ?

LAGARDÈRE.

Ce soir !