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Page:Anicet, Feval - Le Bossu, 1862.djvu/36

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FLOR.

Je n’oublierai plus ce nom-là.

BLANCHE.

À Séville, à Pampelune, mêmes soins pour me cacher, mêmes dangers, même fuite… Depuis trois ans que nous sommes à Ségovie, nos ennemis paraissent avoir perdu nos traces ou nous avoir oubliés… Et pourtant j’ai peur, oui j’ai peur, car Henri me défend de sortir, de voir personne, il redouble de surveillance et de précaution… Tout cela, je le comprends bien, c’est le danger d’autrefois qui revient.

FLOR, souriant.

N’est-ce pas plutôt la jalousie qui commence ?

BLANCHE.

La jalousie !

FLOR.

Peut-on te voir et ne pas t’aimer ? si on t’aime peut-on n’être pas jaloux ?… À présent, dis-moi, ton ami, ton Lagardère est-il toujours beau, toujours fier, toujours bon ?… Voyons, ne rougis pas si fort et avoue-le tout bas, tu l’aimes ?…

BLANCHE.

Pourquoi tout bas ?

FLOR.

Tout haut si tu veux.

BLANCHE.

Oui… je l’aime.

FLOR.

À la bonne heure… Et lui t’a dit vingt fois, cent fois qu’il t’adorait ?

BLANCHE.

Lui… il m’aime… mais comme sa fille.

FLOR.

À son âge, allons donc, c’est impossible !

BLANCHE.

Impossible ? Pourquoi ?

FLOR, souriant.

Pourquoi ?… Écoute, sœur, si ton Lagardère n’est pas fou d’amour pour toi… c’est…

BLANCHE.

C’est ?…

FLOR.

C’est qu’il en aime une autre.

BLANCHE.

Une autre ! (Bruit au dehors, Tonio entre tout effaré et ferme devant lui la porte du fond.)