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Page:Anicet, Feval - Le Bossu, 1862.djvu/43

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Scène VII

TONIO HENRI, puis BLANCHE. Tonio a été reconduire Chaverny jusqu’au seuil de la porte du fond ; Henri est retombé assis près de la table.
HENRI, à lui-même.

La veuve de Nevers a respecté sa mémoire. La mère de Blanche pleure sa fille… Pourquoi m’a-t-il appris cela ?… que faire, à présent ?… Oh ! je ne sais pas… je ne sais plus… elle a des droits cette mère… qui pleure et demande à Dieu son enfant… mais moi n’en ai-je plus !… non… ils ne s’achètent pas ces droits sacrés, même au prix de la vie… j’ai donné ma vie, c’est vrai, que me doit pour cela ? rien, rien !… (Pendant ces derniers mots, Blanche est entrée doucement, du geste, elle renvoie Tonio qui sort en fermant la porte derrière lui ; Blanche s’approche alors d’Henri, qui se retourne au bruit du frôlement d’une robe.)

HENRI.

Qui vient là ?

BLANCHE.

Moi, mon ami… vous étiez seul, j’ai cru pouvoir entrer… je vous vois si rarement.

HENRI.

Et vous m’accusez.

BLANCHE.

Dieu m’en préserve… je souffre parfois… c’est vrai… quand je suis seule… quand je vous vois, je ne souffre plus, je suis heureuse !

HENRI.

Oui, vous avez pour moi la tendresse d’une fille !

BLANCHE.

N’avez-vous donc pas pour moi la tendresse d’un père ?

HENRI.

Moi… (Il veut s’éloigner.)

BLANCHE.

Oh ! ne me quittez pas déjà… non… venez plutôt vous asseoir la près de moi. (Elle le fait asseoir sur le fauteuil et se place sur un escabeau plus bas.) Il y a bien longtemps que nous n’avons causé. Autrefois les heures passaient vite quand nous étions tous deux comme nous voilà.

HENRI.

Les heures ne sont plus à nous.

BLANCHE.

Pourquoi ?… (Il détourne les yeux.) Henri, si vous ne voulez plus me parler, ne voulez-vous plus me voir ?… Ah ! Henri !