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Page:Anicet, Feval - Le Bossu, 1862.djvu/44

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vous êtes bien changé, depuis le jour où vous m’avez dit : tu n’es pas ma fille, vous êtes bien changé.

HENRI, se remettant.

Vous vous trompez, Blanche, j’ai fait un beau rêve, j’oubliais… je me réveille et… je me souviens, voilà tout. J’ai une tâche à remplir, le moment arrive où ma vie va changer… et je suis bien vieux, mon enfant, pour recommencer une existence nouvelle !

BLANCHE, souriant.

Bien vieux !

HENRI.

À mon âge, les autres ont une famille.

BLANCHE.

Et vous, mon ami, vous n’avez que moi.

HENRI, s’oubliant.

Que toi !… mais depuis quinze ans tu as été tout mon bonheur.

BLANCHE.

Bien vrai ?…

HENRI, se reprenant.

Quand vous ne me verrez plus vous souviendrez-vous de moi ?

BLANCHE, effrayée.

Est-ce que vous allez me quitter ?

HENRI.

Blanche… il est une vie brillante, une vie de plaisirs, d’honneurs, de richesse, la vie des heureux de ce monde enfin, et vous ne la connaissez pas, chère enfant !

BLANCHE.

Qu’ai-je besoin de la connaître ?

HENRI.

Il faut que vous la connaissiez ; vous aurez peut-être à faire un choix… ce jour est votre dernier jour de doute et d’ignorance, c’est aussi mon dernier jour de jeunesse et d’espoir.

BLANCHE.

Henri, au nom du ciel, expliquez-vous !

HENRI.

Blanche, écoutez bien… réfléchissez bien, nous jouons ici le bonheur ou le malheur de toute notre vie… répondez-moi donc avec votre conscience, avec votre cœur.

BLANCHE.

Je vous répondrai comme à mon père.