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Page:Anicet, Feval - Le Bossu, 1862.djvu/72

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Scène II

MADELEINE, CHAVERNY, venant du côté opposé à celui par lequel le bossu est sorti ; puis LA PRINCESSE DE GONZAGUE.
MADELEINE.

Attendez ici, monsieur le marquis, madame consent à vous recevoir.

CHAVERNY.

Enfin ! vous disiez donc dame Madeleine que ma noble cousine est toujours triste ?

MADELEINE.

Ah ! monsieur le marquis, c’est comme une morte qui marcherait dans sa tombe au lieu d’y dormir… Tout le jour, madame demeure là agenouillée sur ce prie-Dieu… ou assise dans ce grand fauteuil… immobile, froide et toujours seule… Depuis quinze ans bientôt elle n’est pas sortie de cet appartement ; les autres la croient folle, moi qui me souviens, je la sais malheureuse, la voici… Oh ! monsieur le marquis, parlez-lui de celui qu’elle pleure toujours et de celle qu’elle n’attend plus. (La princesse vêtue de sévères habits de deuil, mais toujours belle dans sa pâleur et sa tristesse, entre en marchant lentement ; du geste, ou plutôt du regard, elle renvoie Madeleine.)

LA PRINCESSE.

Monsieur de Chaverny, pour arriver jusqu’à moi vous avez invoqué le nom de Nevers, que me voulez-vous ?

CHAVERNY.

Je devais vous prévenir, madame, que, tout à l’heure ici, à la requête de M. de Gonzague et par la volonté expresse de monseigneur le Régent, un tribunal de famille est convoqué…

LA PRINCESSE.

Je le sais.

CHAVERNY.

Et vous comparaîtrez devant ce tribunal ?

LA PRINCESSE.

J’obéirai à monsieur le Régent.

CHAVERNY.

Madame, si j’ai bien deviné M. de Gonzague, cette assemblée n’a pour but que de l’envoyer en possession des biens de Nevers mis sous le séquestre depuis quinze ans dans l’intérêt de la fille de Philippe de Lorraine, seule héritière légitime de ces biens.