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Page:Anicet, Feval - Le Bossu, 1862.djvu/82

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TONIO.

Voilà ! qui ça peut-il être ! et n’est-ce pas bien extraordinaire de voir un homme comme le maître fréquenter intimement un bancroche tortu comme un tirebouchon ?… Ce bossu entre à la maison, il en sort comme s’il était chez lui… il est presque toujours là-haut… pourtant le patron ne tient pas à se montrer avec lui. On ne les a jamais vus ensemble dans la rue. Ça intrigue beaucoup les voisins ; et tenez, pas plus tard que tout à l’heure, pendant que vous étiez dans votre chambre, un vieux monsieur, à l’air très-vénérable, est venu me faire un tas de questions.

BLANCHE.

Qu’a-t-il demandé ?

TONIO.

Il a demandé ce que nous étions… ce que nous faisions… d’où nous venions… Votre âge… celui du maître… Si vous étiez sa femme ou sa fille ?… À quelle heure il partait, à quelle heure il rentrait…

BLANCHE.

Vous n’avez rien répondu, Tonio ?

TONIO.

Non, non, rien… (À part.) d’abord, mais le vieux questionneur était si généreux… et puis il m’a dit qu’il était marguillier de notre paroisse, et si on n’avait pas confiance dans un marguillier… (Haut.) Il se fait tard. Le maître ne descend pas. Je désire pourtant bien que vous soupiez de bonne heure… Je pourrais aller voir entrer le monde au bal du Régent… Il paraît que ça sera superbe… il y aura plus de cent mille lampions !… si j’allais appeler le maître.

BLANCHE.

Respectons le secret ou le repos de mon ami… monte chez Maritana et assure-toi qu’elle n’a besoin de rien…

TONIO, à part.

C’est ça ! il ne me manque plus que d’être garde-malade !… (Il entre à droite.)


Scène II

BLANCHE, se remettant à écrire, puis LAGARDÈRE.
BLANCHE.

Ma mère… il m’a dit que Dieu m’avait gardé le trésor de votre tendresse… il m’a dit qu’un jour et par lui vous me seriez rendue… Depuis ce temps, je vous vois dans tous mes rêves… vous êtes dans toutes mes prières… il me semble que vous devez savoir tout ce que je pense… et quand vous lirez ces pages écrites pour vous pendant mes heures