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L'ESCLAVAGE EN SICILE 93

Romania (p. 92). Puis, en 1310, le roi Frédéric 11 prit en leur faveur une mesure d'un rare libéralisme : désormais tout esclave grec qui abjurerait le schisme serait, au bout de sept ans de servitude, automatiquement affranchi. Quels motifs avaient inspiré cette générosité ? Des préoccupations d'ordre pure- ment religieux, pense M. Gaudioso. L'explication, en soi, n’a rien d'impro- bable. Pourtant on ne voit pas très bien, dans cette hypothèse, pourquoi le bénéfice de la législation nouvelle ne fut pas étendu à tous les convertis, ou du moins à tous les anciens schismatiques, Russes par exemple. La politique orientale du gouvernement sicilien ne fut-elle pour rien dans l'affaire ? La question méritait d’être posée et la recherche — dût-elle n'aboutir qu'à des résultats négatifs — d'être tentée. Je ne puis, pour ma part, qu'indiquer le problème. Fut-ce par l'effet de cette disposition, évidemment très désavan- tageuse aux acheteurs d'esclaves grecs, et en conséquence {car elle ne pouvait manquer de faire baisser les prix) aux marchands qui en faisaient commerce ? Fut-ce simplement, comme M. Gaudioso parait le supposer, par suite de la dissolution de la Compagnie catalane ? Dans la seconde moitié du x1ve siècle, les servi de Tiomania disparurent à peu près totalement. Ils furent remplacés par des Tartares (je crois, contrairement à M. Gaudioso, que ce mot fait allu- sion, non à la nationalité d’origine des esclaves, mais à celle des premiers trafiquants ; on appelait ainsi, {rès généralement, les malheureux qui, razziés dans la région de la mer Noire par les coureurs tartares, avaient été vendus par ces derniers aux marchands européens), des Circassiens, des Russes, des Bulgares et surtout des Africains, nègres ou « olivätres».

L'observation prouve qu'un régime de main-d'œuvre servile ne peut guère se maintenir que par un afflux abondant de marchandise humaine, celle-ci n'étant d'un emploi avantageux qu'à condition de conserver son bon marché. Par qui, en Sicile, se faisait le commerce des esclaves ? Sur quelles places ? À quels prix ? Autant de questions d’un intérêt capital, que M. Gaudioso ne st même pas posées (un texte, de 1307-1308, cité incidemment, p. 44, n. 3, semble montrer que la Sicile n'était parfois, dans le transit servile, qu'une siraple étape). Sans l'étude de la traite, celle de l'esclavage est proprement inintelligible ; il est extrèmement fâcheux que M. Gaudioso ne l'ait point se








Utilisation économique des esclaves. — Encore un problème presque totalement négligé. Une observation pénétrant toutefois : dans la Sicile de la fin du moyen âge et des temps modernes, l'absence d'esclaves à profes ons «intellectuelles», notamment d'esclaves employés de bureau, marque un contraste très net avec la civilisation antique ; c'est que la masse se recru- tait dans des populations peu préparées aux travaux de l'esprit, et, en Lout cas, étrangères à la culture occidentale (p. 56). Pour le reste, nous en sommes réduits à l'indication donnée, sans preuves à l'appui, par le titre même de l'ouv iblement, M. Gaudioso considère l'esclavage sicilien comme à peu près uniquement de nature «domestique». A la main-d'œuvre servile les propriétaires où bourgeois de l'ile auraient demandé des serviteurs ou servantes (souvent des concubines), non des ouvriers de l'atelier ou des champs. Tel fut, en eflet, le caractère général de l'esclavage méditerranéen ; d'esclaves ruraux il n'y en eut, semble-t-il, junais, en quantité notable, que dans Ja péninsule ibérique et les Baléares. En Sicile, d’ailleurs, le nombre