Page:Annales de géographie - Tome 11 - 1902.djvu/21

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tions absolues et rétablit la vraie perspective. Et notons bien encore qu’il ne s’agit pas d’un cas isolé. Le mode d’existence que nous venons de décrire repose sur une combinaison qui se répète dans toute la zone aride de l’Afrique, comme en Arabie[1] ; à la seule différence que c’est tantôt le sédentaire, tantôt le nomade ; tantôt l’agriculteur, tantôt le pasteur, et plus souvent celui-ci que celui-là, qui dans cette association se fait la part du maître.

Ce serait le moment de parler de ces oasis, types si curieux eux-mêmes d’organisation sociale. La base même de l’édifice social est changée par le fait que l’idée de propriété se transporte de la terre à l’eau, comme il arrive dans les contrées où l’existence d’une vie végétale dépend de l’irrigation. Cette question a déjà été abordée dans ce recueil par Mr Jean Brunhes[2] ; notre collaborateur, par les travaux qu’il poursuit sur cet important sujet, nous donneras sans doute bientôt l’occasion d’y revenir. Contentons-nous de rappeler que ce qu’on appelle les régions arides embrasse, en Amérique comme dans l’ancien continent, en Afrique australe et en Australie comme au Nord de l’Équateur, une étendue dont on ne se faisait pas une idées il y a moins d’un demi-siècle. Quel parti l’homme saura-t-il en tirer ? Comment parviendra-t-il en particulier à utiliser les ressources de l’écoulement souterrain ? La question se pose avec d’autant plus d’urgence que les régions facilement cultivable sont aujourd’hui à peu près entièrement occupées ; c’est le nœud de la colonisation de l’avenir.

Prenons un autre exemple, choisi dans les conditions opposées de climat. Il y a dans le Sud-Est de l’Asie des régions de pluie abondante, où périodiquement les fleuves inondent leurs alentours et laissent en se retirant des espaces où l’eau séjourne quelques temps après le retrait des crues. Le riz a été trouvé croissant à l’état naturel dans les parties ainsi submergées. Je crois bien que l’abondance du poisson et la facilité de le recueillir dans les mares abandonnées par les crues, fut la première cause d’attraction qui groupa les hommes dans ces deltas ou ces vallées fluviales. Mais en tout cas la présence de la précieuse graminée fut la seconde. On en fît l’éducation ; avec quel soin minutieux et quel succès, les nombreuses variétés d’espèces cultivées en témoignent. Ce fut le principe d’une culture qui, par l’abondance de nourriture fournie sur un petit espace, comme par les soins répétés qu’elle exige, a exercé une grande influence sociale. Une famille de cultivateurs de riz, au Cambodge, peut vivre à la rigueur sur un

  1. Ceci est bien expliqué par Lady Anne-Blunt, A pilgrimage to Nedjd, the Cradle of the Arab race. London, Murray, 1881.
  2. J. Brunhes, Les irrigations en Égypte (Ibid., VI, 1897, p. 456-460). — Les grands travaux en cours d’exécution dans la vallé du Nil (Ibid., VIII, 1899, p. 242-251). — La seconde édition de l’ « Egyptien Irrigation » de Mr W. Willcox (Ibid., IX, 1900, p. 265-269).