Page:Annales de l universite de lyon nouvelle serie II 30 31 32 1915.djvu/285

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à Tom, l’héritier du nom et le futur chef de la famille. Maria et Julia, parce qu’elles sont les filles de Sir Thomas, et Tom, par droit d’aînesse, sont donc traités en privilégiés. Aussi grandit en eux un féroce égoïsme. Tom ne songe qu’à ses plaisirs, il dépense sans compter une fortune dont la meilleure part lui est destinée. Les deux sœurs, fières de leur beauté et de leur nom, le jugement faussé dès l’enfance par les flatteries de leur tante Norris ont seulement les dehors de l’amabilité et d’un bon caractère. « Leur vanité est si adroitement dissimulée qu’elles semblent n’en point avoir ».

De ce conflit entre deux conceptions de la vie et deux genres d’éducation, naît toute l’intrigue qui se termine par une conclusion inattendue et cependant inévitable, en laquelle s’exprime la logique des faits qui nous sont présentés. Un passage d’une lettre écrite à Godmersham en 1813 semble indiquer que, pour les oppositions de l’indulgence sans bornes à la discipline, de l’amour du plaisir au sentiment du devoir, qui forment le thème moral du « Château de Mansfield », l’auteur se servit, en les transposant et en les modifiant, d’observations faites chez son frère Mr. Edward Knight. « Comme je vous ai parlé hier de mes neveux, avec une pointe d’amertume dans ma dernière lettre, [1] je pense qu’il est absolument nécessaire de leur rendre justice aujourd’hui… Lorsqu’on a vivement blâmé ou loué quelqu’un, on s’aperçoit bientôt après de quelque chose de tout à fait opposé. Aujourd’hui, ces deux petits qui suivent maintenant une chasse au renard, vont rentrer et me mettre de mauvaise humeur par quelque nouvelle preuve de leurs goûts de luxe ou de leur rage de sports, à moins que je n’éloigne de moi cet événement par mes prédictions ». [2] Goûts de luxe et oisiveté, ces mêmes traits qu’elle déplore souvent chez ses neveux, sont ceux qu’elle étudie dans «Le Château de Mansfield ». L’étude

  1. La lettre à laquelle Jane Austen fait allusion a été détruite, car rien dans celle qui la précède n’indique une « pointe d’amertume » envers ses neveux.
  2. Lettres. 11 octobre 1813.