Page:Annales de la propagation de la foi, Tome 19, 1847.djvu/302

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étonnante agilité, mais d'un caractère peu farouche ; quelquefois nous les avons vus folâtrer avec les chevaux de la caravane. Pourtant à l'approche de l'homme ils prennent la fuite, et les gens du pays nous ont assurés qu'on n'avait jamais pu en apprivoiser. Ce quadrupède est incontestablement ce que les naturalistes appellent cheval hémione ou demi-âne. Les chèvres jaunes, les rennes, et les bouquetains abondent dans le Thibet antérieur.

« Après le passage du Mouren-ousson, la caravane commença à se débander. Ceux qui avaient des chameaux voulurent prendre les devants, de peur d'être trop retardés par la marche lente des bœufs. D'ailleurs la nature du pays ne permettait plus à une aussi grande troupe de camper dans le même endroit.

« Bientôt un affreux ouragan qui dura pendant quinze jours vint se joindre aux horreurs d'un froid intolérable. Les animaux étaient décimés par la mort. Les misères de tout genre avaient jeté les pauvres voyageurs dans un abattement voisin du désespoir. Quel spectacle affreux de voir ces hommes qu'on abandonnait mourants le long du chemin ! quand un malade ne pouvait plus ni parler ni se mouvoir, on disposait à côté de lui sur une pierre un petit sac de farine d'orge et une écuelle de bois, et puis la caravane continuait sa route. Après que tout le monde était passé, alors les corbeaux et les vautours qui tournoyaient dans les airs s'abattaient sur cet infortuné qu'ils déchiraient tout vivant. Trente-neuf hommes furent ainsi abandonnés avant leur mort à la voracité des oiseaux de proie.

« M. Gabet était dans un état alarmant. Ses pieds et sa figure étaient gelés, ses lèvres déjà livides et ses yeux presque éteints. Si encore on eût pu lui donner quelque soulagement ! Nous n'avions d'autre moyen que de l'envelopper entièrement dans des couvertures et puis de