Page:Annales de la société Jean-Jacques Rousseau, tome 8.djvu/14

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notre sujet, c’est à dire à Rousseau. La méthode qui peut servir pour Aristote, pour Descartes, pour Spinoza, pour Kant, pour Hegel, pour M. Renouvier ou M. Bergson, une méthode dialectique et abstraite de discussion, ne convient pas ici.

Nous n’avons pas affaire ici à un système qui ait été pensé dans l’abstrait, par un esprit appliqué à écarter de ses opérations tout ce qui ne serait pas idée pure et acte intellectuel, autant que la chose est possible à l’homme. Nous n’avons pas affaire à un système qui ait été construit méthodiquement, pièce à pièce, avec une volonté rigoureuse et claire d’enchaînement et d’accord logique, avec une attention ferme à ne jamais porter atteinte au principe de contradiction.

Je ne crois pas plus que M. Espinas que Rousseau ait vu, ait organisé tout son système sous le chêne de Vincennes, et que toute son œuvre ne soit que l’exécution d’un programme arrêté dès ce moment : même dans le texte de la lettre à M. de Malesherbes, il ne s’agit que d’une illumination qui montre une direction, que d’une méditation confuse et vaste sans méthode ni plan.

Ce qu’on appelle le système de Rousseau est une pensée vivante qui s’est développée dans les conditions de la vie, exposée à toutes les variations et à tous les orages de l’atmosphère, soumise à toutes les altérations et perturbations qui peuvent provenir, les unes des agitations sentimentales de l’homme, les autres des excitations ou des résistances du milieu.

Représentons-nous et ne perdons jamais de vue, qui fut Rousseau : un être de sensibilité et d’imagination, jouet perpétuel de ses illusions et de ses désirs, tra-